C’est l’histoire d’un cheveu blanc, de l’apparition à l’acceptation.

15 Mar, 2024

Les cheveux blancs de maman

Si on me demande, je répondrai que tout a commencé en juillet 2023.
Ma maman m’envoie un message, elle rentre de chez la coiffeuse. Elle a décidé d’entamer un processus pour arrêter les colorations. Moi, je trouve ça vraiment cool : maman a des cheveux blancs depuis trèèèèès longtemps. Aller les masquer lui prend un temps dingue et, à peine 15 jours plus tard, réapparait dans toute sa gloire une couronne blanche autour de son visage, bien mise en évidence par un épi, et contrastant avec sa chevelure brune. En plus, elle est allergique à à peu près tous les produits qui existent sur cette terre, ça ne facilite pas les choses ! Elle m’envoie une photo : le résultat est très chouette, plein de nuances. Elle n’est pas sûre, je la rassure. Vraiment c’est beau !

Quelques semaines plus tard, c’est l’annonce.
Ma maman n’a pas été illuminée un beau matin par une idée féministe et de plus en plus à la mode. Si elle a fini par assumer ses cheveux blancs, c’est parce qu’elle a un cancer du sein. La chimio arrive. Plus de coloration possible. Quelle importance finalement, quand tu n’as plus de cheveux ?

Si on me demande, tout a commencé au moment où j’essaie de m’habituer à l’image de ma maman, malade et sans plus vraiment de cheveux, blancs ou pas.

Tout a commencé quand je me suis dit qu’avoir des cheveux, surtout quand ils sont le signe que tu n’es pas malade, c’est une chance. Alors blancs ou bruns, qui s’en soucie ?

Un long cheminement vers les cheveux blancs

Evidemment, c’est sûrement un mensonge. C’est difficile de dire exactement quand tout a commencé.

Peut-être vers 20 ans, quand j’ai découvert mon premier cheveu blanc ? Je me rappelle m’être demandé si je rêvais ou si c’était VRAIMENT ça que je voyais. J’étais trop jeune pour en avoir, non ?

Peut-être quelques années plus tard, quand j’ai dû me rendre à l’évidence : ils étaient bien trop nombreux pour suivre le conseil (pourri ?) le plus usité. « Tes cheveux blancs ? Tu les arraches ! »

Peut-être que ça a fait son chemin pendant tous ces trajets au volant de ma voiture, lorsque j’avais du mal à me concentrer sur la route parce que ma mèche de cheveux blancs en devenir se trouvait PILE dans le rétroviseur. Moi, je ne voyais que ça…

Peut-être que c’est quand les colorations que j’avais pris l’habitude de me faire moi-même, entre deux rendez-vous au salon de coiffure, n’ont plus suffi à camoufler les cheveux blancs qui réapparaissaient trop vite. Un jour il a fallu se rendre à l’évidence : j’en avais trop, que la couleur ne parvenait plus à masquer, quand bien même je la choisissais de plus en plus foncée. Remplacer sa couronne de cheveux blancs autour du visage par des touffes de cheveux orangés n’est décidément pas l’idée que je me fais d’une réussite ! Et quand j’ai appris qu’on pouvait acheter des colorations professionnelles pour les faire soi-même, l’idée de ne plus les cacher était déjà trop ancrée pour faire marche arrière.

Peut-être, finalement, que ça date de novembre 2023, quand j’ai pris rendez-vous au salon à 8 heures précises, histoire d’avoir le temps pour une coloration avant de me rendre à une séance photo avec Camille Jabinet. Garder mes cheveux blancs au quotidien, je pouvais encore… mais les assumer sur les toutes les photos publiées pour la promotion de mon travail, c’était au-dessus de mes forces ! Sauf que… malgré une couleur superbe, ça m’a fait bizarre de ne plus du tout avoir de cheveux blancs.

Peut-être que ça a vraiment commencé quand j’ai réalisé que je ne voulais pas vivre avec, mais que je n’arrivais pas non plus à vivre sans.

Décision ou acceptation ?

Bref. Je ne sais pas dire quand ça a commencé. D’ailleurs, ce n’est sûrement pas le fruit d’un moment en particulier. J’imagine que c’est plutôt une succession de micro-événements qui m’ont amenée à décider qu’à partir de maintenant, j’assumerai mes cheveux blancs.

Mais est-ce vraiment une décision ? C’est sans doute davantage une sorte d’acceptation qu’un choix, parce que si on m’avait vraiment laissé décider, j’aurais préféré rester brune, merci bien ! Que j’en entends des : « Oh lala, tu es courageuse ! Franchement, je trouve ça super ! Mais… je ne suis pas encore prête. » Mais moi non plus je ne suis pas prête ! Sauf qu’ils sont là, je ne peux décidément plus les ignorer. Quant à les cacher, je me suis rendue à l’évidence : c’est trop d’efforts et de discipline pour moi !

Trop d’efforts, c’est sans moi !

Figure-toi qu’aussi étrange que cela puisse paraître, je peux être une fille très pragmatique. Même que ma prise de décision ressemble à une équation :

  • Il est avéré que pour masquer ses cheveux blancs, il faut déployer beaucoup de temps, d’argent, d’énergie et de charge mentale. Qu’on se le dise, c’est éreintant de camoufler ses cheveux blancs !
  • Or, je ne suis absolument pas disposée à me plier à cette discipline. Je ne suis jamais allée chez le coiffeur plus de 2 à 3 fois par an à l’âge adulte. Pour tout dire, je n’aime pas vraiment ça. En outre, tu le sais si tu as lu cet article, je ne dispose pas du budget nécessaire pour me rendre si fréquemment chez le coiffeur. Je m’offre déjà le luxe d’une manucure mensuelle, qui est un réel bonheur pour moi. Mes ongles, je les vois à chaque instant, mes cheveux, non. Le changement est trop radical, le sacrifice trop grand : je sais que je n’aurai pas la discipline nécessaire.
  • Considérant que l’effort que représente le fait de ne pas cacher mes cheveux blancs est moins coûteux que l’effort que représente le fait de les cacher, ma décision est prise. Désormais ce sera avec eux.

Les raisons de ma colère

Je relis ce que j’ai écrit jusqu’ici et je souris à l’idée qu’on dirait que ce cheminement s’est fait de façon fluide et tranquille. Quelle blague ! Laisse-moi te dire que ce n’est pas DU TOUT le cas ! Je suis passée par toutes les étapes du deuil. Plusieurs fois, même !

Le choc : « Keuwaaaaa ? Mais qu’est-ce que c’est que cette mèche de… NON! Mais comment c’est possible si jeune ? Comment ça c’est normal à mon âge ?!». J’aurai 38 ans mardi, j’avais 20 ans hier. Non, vraiment, je ne comprends pas cette histoire de vieillesse prématurée !

Le déni : « C’est sûrement un reflet ! C’est bien trop tôt, j’insiste ! Et d’ailleurs quand je ne me regarde pas dans un miroir, je ne les vois pas. Ce qu’on ne voit pas n’existe pas, n’est-ce pas ? »

La colère : Oh lala, qu’il y en a de la colère !

Colère contre cette société patriarcale qui nous a pourri.e.s avec son âgisme et ses grands diktats à l’égard des femmes.

Colère contre mon ex-coiffeuse, reléguée au rang d’ex depuis qu’elle m’a asséné un « Moi, je ferais une couleur. Vous êtes trop jeune pour garder vos cheveux blancs ». Je ne m’y attendais pas ; je venais de lui expliquer mon projet de voir ce que donnait ma tête avec une très jolie coupe, sans camoufler les cheveux blancs. Je lui demandais un avis sur la coupe, pas sur la couleur. Je n’étais pas encore sûre de ma décision. J’ai pleuré. Tout en discourant sur le fait que c’était le patriarcat qui parlait à travers elle. Que si j’étais un homme elle ne me dirait jamais ça. Sa réponse ? « Oui mais les hommes, c’est pas pareil, ça leur donne du charme ! ». CQFD.

Colère contre ce que je considère comme une vaste hypocrisie. A mon sens, si tu veux cacher une chose, c’est pour que personne ne sache qu’elle existe. Pourtant, tout le monde connaît l’existence et la présence des cheveux blancs, à moins de se plier au rythme infernal d’une coloration toutes les 2 à 3 semaines. Quand on me dit que ce n’est pas grave si on voit un peu les racines, alors je me demande en quoi c’est plus grave si on voit les cheveux blancs en entier ! A quoi bon faire tant d’efforts pour garder un secret qui n’en a jamais été un ?

Oui, vraiment, j’en ai des colères !

La tristesse : Celle de se sentir vieillir trop vite, celle de ne pas se sentir soutenue par son mari, celle d’accorder trop d’importance au regard des autres…

La résignation : Tu l’auras compris, je ne me suis jamais vraiment intéressée à la beauté capillaire. J’aimerais avoir des cheveux magnifiques et toujours bien coiffés, sans jamais avoir à m’en occuper plus qu’en les shampooinant deux fois par semaine, et en tâchant de penser à faire un masque de temps en temps. Autant te dire que dans mon esprit, c’était tout l’un (sacrifier mon temps et mon argent sur l’autel de la coloration mensuelle) ou tout l’autre (attendre que ma chevelure terne et triste se grise, jusqu’à ce qu’elle m’offre une couleur entièrement blanche et, je l’espérais, lumineuse). J’ai donc passé beaucoup de temps devant mon miroir, résignée à l’idée que s’en était fini pour moi de la chevelure qui fait rêver. En février dernier, j’ai même eu cette pensée, qui m’a un peu assommée : je passerai plus d’années de ma vie en étant blanche que brune ! C’est comme s’il me fallait complètement reconsidérer l’image que j’ai de moi !

Acceptation : J’imagine que c’est le but même de toutes ces étapes : elles mènent à l’acceptation ! Avec ma colère en bandoulière, très bon moteur en ce qui me concerne, j’ai décidé que je ne me plierai ni aux avis non sollicités, ni aux diktats d’une société patriarcale que je conchie. Une fois cette pensée en tête, j’ai fini par avoir une illumination : je ne devais certainement pas être la seule femme sur cette terre à stagner dans le terrible entre deux « à la fois trop de cheveux blancs pour les cacher, et pas assez pour que ça ressemble à quelque chose ». C’est sûr, il devait bien exister des solutions, et j’allais les trouver !

Looooooooooooong cheminement on a dit !

A ce stade de la lecture, tu dois certainement te demander comment il est possible que j’aie mis tant de temps à en arriver à cette conclusion. Ecoute, je ne saurais répondre à cette question. Peut-être suis-je une femme qui comprend vite, mais à qui il faut expliquer très (trèèèèès) longtemps ? Peut-être est-ce un sujet encore trop tabou et intime ? D’ailleurs, je dois te l’avouer, j’ai hésité avant de rédiger la newsletter que tu lis. Je me suis demandé qui cela intéresserait, et quelle image cela allait donner de moi. Toutefois, réalisant à quel point cela m’aurait fait du bien de lire un témoignage quand j’en étais encore à ruminer ma colère, ma tristesse et ma résignation, je me suis dit que j’allais offrir aux autres ce que j’aurais aimé qu’on m’offre à moi. Depuis, mes instabonnées m’ont conseillé Une apparition, de Sophie Fontanel. J’ai hâte de le lire !

Il est certain que j’aurais gagné beaucoup de temps si on m’avait appris directement qu’il existe des techniques spéciales pour mettre en valeur les cheveux blancs ou grisonnants ! C’est même la mode en ce moment chez de nombreuses célébrités, et ça s’appelle le herringbone highlights. Bien sûr, la plupart des stars sont blondes, mais on trouve des modèles bruns également. Je me suis sentie tellement rassurée, une fois les trésors de Pinterest découverts ! Un nouveau chemin s’ouvrait à moi, entre la chevelure colorée et la chevelure laissée à l’abandon : la possibilité des cheveux blancs sublimés !

A la recherche d’Edward aux mains d’argent

Le problème avec Pinterest, c’est qu’il te met sous les yeux toutes les merveilles possibles. Cependant, quand il s’agit de savoir comment transformer ces magnifiques perspectives en réalité, c’est tout de suite plus compliqué ! D’autant plus que je n’avais pas besoin d’être une experte du balayage pour comprendre que la technique employée reste complexe. Sans doute que si j’avais osé demander des avis, on m’aurait conseillé un endroit. Faute de quoi je me suis tournée vers les suggestions Google, décidant qu’un salon capable de transformer une brune en blonde devrait pouvoir transformer une brune en blanche !

La première étape de ma transformation a eu lieu hier, chez Luan Coiffure. J’ai reçu le meilleur accueil qui soit ! J’ai été coiffée et rassurée par quatre hommes différents, et tous ont trouvé normal le fait de laisser mes cheveux blancs apparents. Ça fait du bien ! J’étais un peu angoissée, ne sachant pas à quoi m’attendre. En effet, Luan m’a expliqué qu’on ne pourrait arriver en une seule fois au résultat de Pinterest, puisqu’il fallait d’abord me débarrasser de mes précédentes couleurs.

Cheveux blancs, de l'apparition à l'acceptation : c'est parti pour la transition!

Une coupe radicale, une décoloration, et deux patines plus tard, je dois dire que je suis ravie du résultat. Ce n’est que le début, mais je suis certaine que je vais vers de belles expériences capillaires ! Et j’ai un nouvel objectif : un jour, quand j’aurai les cheveux entièrement blancs, je me ferai teindre les pointes en rose !

Transition cheveux blancs, une étape franchie en douceur et avec bonheur grâce au meilleur choix de coiffeur.

Et toi alors ?

C’est seulement au moment de conclure que je réalise que j’ai manqué une occasion en or de ressortir un vieux slogan qui sent bon les années 90 : Je fais ce que je veux, avec mes cheveux ! 

Je te le souhaite, à toi aussi ! Et si cette édition des « Coulisses et Confidences » t’a permis d’avancer encore un peu vers l’acceptation de qui tu es et qui tu as envie d’être, teinté.e ou pas, alors je suis la plus heureuse !


Les meilleures newsletters s’écrivent en musique, tu le sais bien ! C’est avec les Pixies dans les oreilles que j’ai raconté la vie de mes cheveux blancs :

Where is my mind ?

Cet article est la Chronique Buissonnière du 15/03/2024. Si tu as aimé et que tu veux recevoir les prochaines newsletters, il suffit de t’inscrire ici!

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